Lorsqu'on étudie des réactions, la position des sources et des détecteurs est fixe, l'énergie des réactifs est constante. En vertu des principes de conservations de l'énergie et de l'impulsion, les produits, lorsqu'ils passent dans les détecteurs ont donc une énergie bien déterminée. En 1930, les physiciens se heurtent à un important problème : le spectre d'énergie des électrons émis lors des désintégrations Bêta est étalé alors qu'il devrait être constitué, comme on vient de le voir, d'une seule raie.
Alors que beaucoup de scientifiques comme Niels Bohr, sont prêt à abandonner le principe de conservation de l'énergie, Pauli émet une hypothèse inattendue. Il suppose qu'une autre particule est émise lors de la désintégration Bêta. Les variations de l'énergie de l'électron sont compensées par celles de cette particule.
Fermi vit immédiatement l'intérêt de cette hypothèse et l'incorpora comme une brique essentielle à sa théorie de l'interaction faible. La réaction impose à cette particule d'être de charge nulle, Fermi l'appela donc "neutrino" (le petit neutre). Le neutrino est également censé n'interagir que très peu car on ne l'avait évidemment jamais detecté.
L'hypothèse de Pauli va cependant rester à l'état de rêve pendant 25 ans. Il fallu attendre 1956 pour que Fred Reines et Clyde Cowan mettent en évidence les interactions du neutrino dans un détecteur contenant plus de 5000 d'un liquide scintillateur, ce qui prouva son existence de manière irréfutable.
En 1962, une équipe américaine va découvrir qu'il existe en fait au moins deux types de neutrinos. Ils venaient en effet de découvrir le neutrino muonique qui est associé au muon comme le neutrino habituel, le neutrino électronique, est associé à l'électron. Dans les années 70, on a également observé indirectement une troisième sorte, le neutrino tauique. Par contre, l'existence de ce dernier n'a toujours pas été prouvé directement. Enfin, pendant l'été 1989, une expérience réalisée au CERN a montré qu'il n'existe pas d'autre famille, dans le domaine des énergies accessibles actuellement en tout cas.
L'étude de la désintégration Bêta permet de connaître certaines propriétés des neutrinos. La conservation du spin indique que le neutrino est de spin 1/2. Il s'agit donc d'un fermion. Le neutrino est considéré comme un lepton, c'est à dire qu'il n'est pas constitué de quarks, mais semble au contraire être indivisible et ponctuel. Son nombre leptonique étant donc 1, on peut remarquer que le nombre leptonique est conservé pendant la désintégration Bêta.
Le neutrino est la seule particule à n'être soumise qu'à l'interaction faible. Ceci implique donc qu'elle ne pourra être observée que par le biais de cette force, ce qui restreint énormément les techniques pouvant être utilisées. Par ailleurs, l'interaction faible, comme son nom l'indique n'agit pas beaucoup. Cela se caractérise par le fait que le neutrino traverse la matière sans quasiment jamais s'en rendre compte. Ainsi 65 milliards de neutrinos traversent chaque seconde chacun de nos centimètres-carrés de peau, sans ne rien sentir.
Dans les rares cas où l'interaction faible apparaît, une réaction du type désintégration Bêta apparaît. Il s'agit en fait de la transformation d'un quark en un autre quark avec absorption du neutrino (ou de l'antineutrino) et avec émission d'un lepton chargé, c'est à dire un électron, un muon ou un tau (ou leur antiparticule). Dans la vie "courante" cela se traduit par la transformation d'un neutron en un proton ou réciproquement. Par contre, lorsqu'il s'agit d'une désintégration Bêta spontanée, un quark se transforme et un lepton chargé et un neutrino (ou son antiparticule) sont émis.
Pour déterminer si ces leptons sont des particules ou des antiparticules, il suffit d'utiliser la conservation de la charge électrique puis celle du nombre leptonique. Les réactions habituelles, celles qui se produisent dans les noyaux atomiques et ne mettent donc en jeu que des particules de la première famille, sont données ci-contre. Les signes + et - donnés entre parenthèses représentent l'hélicité du neutrino, une caractéristique que nous allons étudier ci-après.
Une particule de masse non nulle peut se déplacer à n'importe qu'elle vitesse. On peut donc l'arrêter et la faire repartir en arrière. Cet événement se caractérise par le changement de sens de l'impulsion (la quantité de mouvement) tandis que le spin ne varie pas. Par contre, une particule sans masse se déplace toujours à la vitesse de la lumière, il n'existe aucun référentiel dans lequel elle sera au repos. On ne peut donc pas changer le signe de son impulsion.
Pour caractériser ce phénomène lorsque la masse est non nulle, on introduit une grandeur appelée hélicité, qui est la projection du spin sur l'impulsion. Pour une particule de masse nulle, on définit également une hélicité mais dans ce cas, il s'agit simplement d'un nombre demi-entier qui caractérise le système. Une particule de masse nulle sera alors caractérisée par le fait que son hélicité est constante. Cette hélicité n'a que deux valeurs possibles : +1, l'hélicité est dite "droite" ou positive. -1, l'hélicité est dite "gauche" ou négative.
L'observation expérimentale des désintégration Bêta montre que les antineutrinos qui entrent en compte dans les réaction sont tous d'hélicité droite tandis que les neutrinos sont toujours d'hélicité gauche. La désintégration Bêta viole la symétrie de parité P, qui correspond au renversement dans un miroir. Mais si la masse du netrino n'est pas nulle, cette hélicité va pouvoir changer ensuite.
La principale chose que l'on cherche à connaître actuellement est la masse du neutrino, et plus précisément, on veut savoir si elle est nulle. Le modèle standard qui décrit les interactions entre toutes les particules connues, considère que cette masse est rigoureuseument nulle mais il est parfaitement possible de construire des modèles en considérant un neutrino massif. L'intérêt de cette recherche est tout d'abord, de savoir si le modèle standard actuel est bon. Mais ils existent de nombreuses autres applications, comme en cosmologie, car le neutrino pourrait, s'il est massif, constituer une bonne partie de la masse cachée de l'univers.
Pour étudier cette éventuelle masse non nulle, on utilise le fait que la théorie autorise les neutrinos à osciller si et seulement leurs masses sont non nulles. L'oscillation correspond à la transformation d'un neutrino électronique en muonique ou en tauique et ainsi de suite. La longueur moyenne parcourue entre deux oscillations est proportionnelle à la différence des carrés des masses des 2 espèces.
Les expériences réalisées pour étudier ce phénomène d'oscillation mesurent donc la quantité de neutrino d'une certaine espèce présente après avoir parcouru une certaine distance depuis la source émettrice. En comparant au flux émis par la source, on peut en déduire la longueur d'oscillation puis les masses des neutrinos.
Une première expérience réalisée à proximité de la centrale nucléaire de Chooz dans les Ardennes (près de mon pays natal donc) à montré que 1 km n'était pas une assez grande distance pour qu'il y ait oscillation du neutrino électronique. A SuperKamioKande au Japon, on compare les flux reçus du soleil de jour et de nuit. Pendant la nuit, le flux traverse l'épaisseur de la Terre en plus. Cette expérience semble montrer que la masse des neutrinos est inférieure à 4 eV mais ces résultats sont très controversés. On ne sait en fait toujours pas si la masse est nulle ou pas. Pour répondre à cette question le CERN envisage de renouveler l'expérience de Chooz sur une distance de 732 km.
La double-désintégration Bêta classique correspond simplement à la transformation simultanée de deux neutrons en deux protons (ou le contraire). Il y a donc émission de deux électrons (ou positrons) et de deux antineutrinos (ou deux neutrinos). La désintégration Bêta est déjà un événement assez peu probable, de part le fait qu'elle est régie par l'interaction faible. La probabilité de voir deux tels événements se produire en même temps est donc infime.
Certaines théories prévoient l'existence d'un autre type de double désintégration Bêta beaucoup plus probable, une réaction sans émission de neutrinos. Pour cela, il suffit que le neutrino émis par la première soit absorbé dans la seconde désintégration. Mais comme on peut le voir en regardant précisément les équations de désintégration Bêta insérées plus haut, cela implique que le neutrino soit égal à son antiparticule. On dirait alors qu'il s'agirait d'un neutrino Majorana, en référence au scientifique italien qui a imaginé cette hypothèse. En fait, ce n'est pas une hypothèse très peu probable, par exemple, le photon est sa propre antiparticule.
Cependant, les équations citées plus haut impliquent également que le neutrino d'hélicité gauche soit en fait un neutrino d'hélicité droite. Mais cela est impossible. Il faut donc que l'hélicité change entre les deux réactions, et cela implique que la masse du neutrino est nulle.
La découverte d'une double désintégration Bêta permetterait donc, étant donné que le premier type est infiniment peu probable, de savoir qu'il s'agit d'une réaction sans émission de neutrino et que donc, le neutrino est Majorana et de masse nulle. On comprend donc l'intérêt de recherches dans ce domaine.
Pour observer expérimentalement le neutrino, on utilise comme pour n'importe quelle autre particule, les réactions où il entre en jeu. Mais pour le neutrino, on a pas beaucoup le choix puisqu'il n'entre en jeu que dans les désintégration de type Bêta. On va donc placer sur le chemin du flux de neutrino à mesurer, des nucléons qui vont se transformer s'ils absorbent un neutrino. Un lepton chargé (électron par exemple) va être émis. Si on réalise l'expérience dans un liquide scintillateur, l'émission de l'électron va faire scintiller le liquide sur sa trajectoire. Il suffit alors de placer des photo-multiplicateurs tout autour pour détecter l'événement.
Dans le cas de l'expérience menée par le CNRS à la centrale nucléaire de Chooz, des antineutrinos sont émis dans le coeur de la centrale. A 1 kilomètre de là, on a placé 5 tonnes de liquide scintillateur et de germanium, le tout étant entouré d'une cinquantaine de photomultiplicateurs. La réaction d'un antineutrino avec le germanium transforme un proton en un neutron, ce qui crée du gallium, et émet un positron dont on va observer la propagation.
Un des problèmes à régler fut celui rayons cosmiques. En effet, les cosmiques peuvent produire des positrons qui passeraient dans la cuve et seraient détectés comme si un antineutrino avait interagi. Pour faire disparaître cette éventualité, on a placé des scintillateurs sous une montagne, ce qui permet de les protéger. Par contre, les antineutrinos ne voient presque jamais la matière qu'ils traversent la terre sans aucun problème.